Honneurs ou humiliations : même trouble, même illusion
寵辱若驚,貴大患若身。
何謂寵辱若驚?
寵為下。得之若驚,失之若驚,是謂寵辱若驚。
何謂貴大患若身?
吾所以有大患者,為吾有身。及吾無身,吾有何患?
故貴以身為天下,若可寄天下;愛以身為天下,若可託天下。
Traduction proposée
Honneurs et humiliations troublent pareillement,
Grands soucis doivent être pris aussi au sérieux que le corps.
Que signifie : "honneurs et humiliations troublent pareillement" ?
Recevoir les faveurs est inférieur,
On les reçoit comme une surprise,
On les perd avec effroi —
Voilà pourquoi honneurs et humiliations sont également troublants.
Et que signifie : "tenir les grands maux aussi chers que son corps" ?
Si j’ai de grands maux,
C’est parce que j’ai un corps.
Si je n’avais pas de corps, de quoi souffrirais-je ?
C’est pourquoi :
Qui considère son corps comme le monde peut recevoir le monde,
Qui aime son corps comme le monde peut se voir confier le monde.
Commentaire
Ce chapitre explore un thème essentiel : notre rapport au corps, à l’ego, à la reconnaissance sociale.
Lǎozǐ commence par une déclaration puissante : être honoré ou humilié provoque le même trouble intérieur. Pourquoi ? Parce que dans les deux cas, on dépend du regard de l’autre.
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Recevoir des honneurs nous flatte, mais nous rend vulnérables à leur perte.
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Subir l’humiliation blesse, mais c’est la même dépendance à l’extérieur.
👉 Dans les deux cas, l’estime de soi est déportée hors de soi.
Le vrai "grand mal" : l’attachement au "moi"
吾所以有大患者,為吾有身。
“Le grand mal vient de ce que j’ai un corps”, dit Lǎozǐ.
Il faut entendre ici “le corps” non pas comme la chair en elle-même, mais comme la construction de l’ego, le moi séparé. C’est parce qu’on s’identifie à ce “moi” que naissent les peurs, les pertes, les blessures.
Si je n’ai pas de “moi” à défendre, qui peut m’atteindre ?
Gouverner par l'humilité
La dernière partie est splendide :
Qui considère son corps comme le monde peut recevoir le monde.
Cela signifie :
Celui qui se connaît profondément, qui honore son être, qui ne cherche ni gloire ni pouvoir personnel, peut être digne de confiance. Il est capable d’agir en gardien du monde, pas en propriétaire du monde.
C’est une critique implicite des dirigeants qui gouvernent par égoïsme. Le vrai souverain est sans ambition personnelle, et c’est pour cela qu’on peut lui confier le monde.
Résonance contemporaine
Ce chapitre est un appel à :
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l’autonomie intérieure,
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la liberté face au jugement social,
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la responsabilité fondée sur l’humilité,
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et la désidentification de l’ego blessé.
Celui qui ne cherche ni à briller ni à plaire, celui-là peut inspirer confiance — à commencer par soi-même.