"Celui qui se hausse ne tient pas debout"
Texte chinois
企者不立,跨者不行;
自见者不明;
自是者不彰;
自伐者无功;
自矜者不长。
其在道也,曰余食赘形。
物或恶之,故有道者不处。
Proposition de traduction
Celui qui se dresse sur la pointe des pieds ne peut rester stable ;
Celui qui fait de grands pas ne peut marcher loin.
Celui qui s'exhibe n'est pas éclairé.
Celui qui se croit juste n'est pas reconnu.
Celui qui se vante n'accomplit rien.
Celui qui se glorifie ne dure pas.
Du point de vue du Dào, tout cela est comme des restes ou des excroissances :
Les êtres les détestent, ainsi, celui qui suit le Dào s'en détourne.
Commentaire
Ce chapitre est une mise en garde contre les attitudes ostentatoires et les démarches forcées. Dào ne se manifeste pas dans l’excès, l’affirmation tapageuse ou le désir de surpasser. Ceux qui veulent apparaître brillent un instant puis s’effacent, comme une flamme trop vive. Ce n’est pas en voulant dominer ou briller que l’on devient durable. Tout ce qui est excessif devient disharmonieux, en dehors de l’équilibre naturel du Dào. À travers une série d’aphorismes précis, Laozi exprime sa critique des prétentions humaines : les ambitions personnelles, les postures sociales, les démonstrations d’ego sont autant de parasites inutiles pour l’homme sage. La comparaison finale — “restes” et “excroissances” — est parlante : ce que la nature rejette comme superflu, le sage l’évite aussi.
Résonance contemporaine
À l’ère du marketing personnel, des réseaux sociaux et du culte de la visibilité, ce chapitre entre en résonance directe avec notre quotidien. L’exaltation de soi, les mises en scène publiques, la recherche de validation extérieure sont devenues la norme. Laozi nous invite à nous retirer de ce jeu-là : celui qui suit le Dào n’a pas besoin de s’élever au-dessus des autres, ni de se faire voir. Il cultive l’humilité, la discrétion, l’efficacité silencieuse. C’est par l’alignement intérieur et non par l’affichage extérieur que naît la vraie puissance.