Retour à la racine
致虛極,守靜篤;
萬物並作,吾以觀復。
夫物芸芸,各復歸其根。
歸根曰靜,靜曰復命,
復命曰常,知常曰明。
不知常,妄作凶。
知常容,容乃公,公乃全,
全乃天,天乃道,道乃久,
沒身不殆。
Proposition de traduction
Parviens à l'extrême du vide,
et garde fermement la paix intérieure.
Les dix mille êtres tous croissent en même temps —
je les observe revenir à l’origine.
Car toutes choses foisonnent et prospèrent,
mais toutes retournent à leur racine.
Retourner à la racine, c’est revenir au repos.
Ce retour au repos, c’est un retour à la vie profonde.
Ce retour à la vie, c’est la constance.
Connaître cette constance, c’est être éclairé.
Ne pas connaître la constance
conduit à l'agitation, à l'imprudence — et au malheur.
Qui connaît la constance devient accueillant.
L’accueil devient équité.
L’équité devient plénitude.
La plénitude devient Ciel.
Le Ciel devient Dào.
Et le Dào dure à jamais —
sans danger même au-delà de la mort.
Commentaire et méditation
Ce chapitre est un joyau de la sagesse intérieure, un guide de transformation fondé sur le calme et le retour.
1. 致虛極,守靜篤
« Parviens à l’extrême du vide, et garde fermement la paix intérieure »
Là réside la racine de toute voie spirituelle. Lǎozǐ nous invite à atteindre un état d’ouverture intérieure extrême :
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Pas un vide aride,
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Mais un vide plein de potentialité,
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Une tranquillité féconde, d’où émergent les choses naturellement.
2. 觀復 : Observer le retour
Les êtres s’agitent, poussent, croissent, tombent…
Mais tout, toujours, revient à sa racine.
La racine, ici, c’est :
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le jìng 靜 (le calme, le repos),
-
le mìng 命 (la vie, ou le destin),
-
le cháng 常 (le constant, l’inaltérable principe).
La racine est le Dào lui-même.
3. 不知常,妄作凶
Ignorer cette loi du retour, de la constance, mène à la perte.
Qui agit sans écouter le rythme du monde se précipite vers l’épuisement, le chaos.
4. 知常容,容乃公...
Mais qui connaît ce rythme devient 容 (róng, accueil, tolérance).
Cela ouvre à la justice, puis à la plénitude,
puis au Ciel, puis au Dào, et enfin à la durabilité ultime :
「沒身不殆」, “sans danger même après la mort”.
Résonance contemporaine
Ce chapitre touche à :
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La méditation, dans son essence,
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La paix du cœur, plus que des pensées,
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Le non-agir enraciné,
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La confiance dans le cycle naturel : croissance, retour, calme, résurgence.
Il nous invite à observer la nature non pour la dominer, mais pour s’y accorder.